TOC (troubles obsessionnels compulsifs) & haut potentiel

Il est assez courant d’associer les troubles obsessionnels compulsifs, aussi appelés TOC (Obsessive Compulsive Disorder – OCD) à certains comportements jugés maniaques ou excessifs, comme le fait de se laver les mains très souvent, ou d’aligner méticuleusement des objets – parfois avec une pointe de raillerie. De tels stéréotypes, s’ils peuvent contenir une pointe de vérité, contribuent malheureusement à relativiser la charge mentale et physique que les TOC représentent pour le malade en les ramenant à une simple manie ou à une habitude inoffensive. 

Les troubles obsessionnels-compulsifs font partie des troubles qui peuvent s’ajouter au profil à haut-potentiel, même s’il est difficile de tirer des conclusions définitives à ce sujet. Pathologie fréquente et chronique, les TOC méritent donc d’être analysés de manière plus approfondie afin d’étudier l’hypothèse de liens avec le haut potentiel, ou du moins de mieux connaître les TOC dans la perspective de ne pas les réduire à une vision stéréotypée (et douloureuse pour les personnes souffrant de cette pathologie).

Le trouble obsessionnel compulsif consiste en la fréquence d’obsessions (images, impulsions ou pensées intrusives et souvent irrationnelles), créant une source d’anxiété, et de rituels compulsifs (les compulsions) que le malade met en place afin de calmer son anxiété. Les compulsions, même si elles semblent étranges pour un regard extérieur, calment sur le court terme la crainte éprouvée par le patient. Néanmoins, les obsessions réapparaissent rapidement, de telle sorte que le patient s’engage dans un cycle vicieux de rituels pour les apaiser.

Schéma propriété de l’association CAPU

Ces comportements sont généralement perçus par le malade lui-même comme déraisonnables ou excessifs, mais sont irrépressibles. 

Les exemples les plus courants sont les obsessions concernant la contamination (comme de craindre les germes, donnant lieu à des rituels de lavages excessifs), la symétrie, la sécurité (par exemple, vérifier à de multiples reprises que les portes sont fermées) mais également la peur de dévier de la morale ou de faire du mal à un proche. Les compulsions peuvent s’exprimer sous une forme physique ou mentale.

Dessin propriété de l’association CAPU

Contrairement à une simple manie, les troubles obsessionnels compulsifs sont une pathologie qui peut se révéler invalidante et qui entraîne une véritable souffrance pour le malade. D’une part, le malade ne maîtrise pas le comportement lié au TOC, qui peut lui faire perdre beaucoup de temps et mettre en danger son travail, sa scolarité ou sa vie sociale. D’autre part, s’il comprend le lien entre les obsessions et compulsions, le fait d’être incapable de les contrôler rend le trouble très éprouvant. De nombreux patients affirment se sentir fous du fait de l’irrationalité de leurs angoisses. 

2 à 3% de la population serait touchés par ce trouble d’évolution chronique, ce qui en fait une pathologie fréquente (la quatrième après les troubles phobiques, les addictions et les troubles dépressifs). Elle se déclare le plus souvent chez des personnes jeunes ou des enfants. Dans 65% des cas, ils sont diagnostiqués avant 25 ans.

De manière plus précise, on constate deux pics d’apparition des TOC : au cours de l’enfance (vers 6-11 ans) et au début de l’âge adulte (vers 21 ans). Le TOC se manifeste sans tenir compte du genre, de la race ou de l’ethnicité du malade ; toutefois, en ce qui concerne l’enfant, le trouble a tendance à apparaître plus tardivement chez les filles.

Les conséquences des troubles obsessionnels compulsifs sont nombreuses et peuvent être invalidantes. 

On peut mettre en avant l’angoisse associée à la fois aux obsessions, mais aussi à la performance du rituel compulsif. Par ailleurs, le fait que le patient adulte reconnaisse que les obsessions et compulsions sont déraisonnables peut être la cause d’une souffrance supplémentaire dans la mesure où sa maladie lui apparaît comme absurde et honteuse. A ces différents ressentis s’ajoutent des aspects pratiques : les rituels compulsifs peuvent être fatigants ou prendre beaucoup de temps, ce qui peut perturber la vie sociale, scolaire et professionnelle du malade. 

Les TOC comme facteur de souffrance silencieuse – Dessin propriété de l’association CAPU

Les causes des TOC sont encore mal connues. On les attribue à la perturbation de circuits cérébraux intervenant dans les fonctions motrices, cognitives et limbiques, ou dans la gestion des émotions (comme le cortex orbito-frontal). Certains neuromédiateurs, comme la sérotonine et la dopamine, seraient à l’origine d’une hyperactivité de ces zones. Ces perturbations sont également identifiables dans d’autres troubles psychiatriques, auxquels les TOC peuvent souvent être associés, tels que la dépression, les troubles anxieux et la phobie sociale. Des facteurs génétiques ont également été mobilisés, mais leur action reste peu connue.

Toutefois, la pathologie peut être prise en charge. Plusieurs traitements sont employés contre les TOC en fonction de leur gravité, chez l’adulte et l’enfant : antidépresseurs, thérapies cognitivo-comportementales, antipsychotiques ciblant la dopamine, voire stimulation cérébrale par la chirurgie (pour les patients présentant des troubles obsessionnels compulsifs résistants ou TOCR, c’est-à-dire sur lesquels la prise en charge n’a pas d’effets).

Il est difficile d’affirmer un lien entre le haut potentiel et les troubles obsessionnels compulsifs. Néanmoins, de nombreux témoignages montrent que les profils HP pourraient être régulièrement ciblés par les TOC, et l’on peut suggérer que les particularités du haut-potentiel, lorsqu’elles sont mal contrôlées, peuvent favoriser l’apparition du trouble.

Cet article ne se présente en aucun cas comme l’avis d’un professionnel de santé, mais se contente de donner quelques pistes de réflexion concernant les rapports potentiels entre le haut-potentiel et les troubles obsessionnels compulsifs. 

Le haut-potentiel présente en effet des caractéristiques ou des fragilités qui apparaissent comme des éléments pouvant favoriser l’apparition de TOC. Parmi ceux-ci, on peut notamment citer : 

– L’anxiété

Une première piste serait celle de l’anxiété que peuvent présenter les profils HP. D’après le professeur Olivier Revol, l’anxiété, très présente chez les enfants surdoués, donne lieu au développement de craintes. Lorsqu’elles ne sont pas formulées, ces dernières « risquent alors d’évoluer en véritables obsessions, inquiétantes, responsables de rituels nécessaires à leur apaisement », et s’organiseraient finalement en TOC (in L’enfant précoce signes particuliers). Le risque d’une évolution vers la pathologie serait aussi lié à un diagnostic tardif ainsi qu’à l’environnement du patient.

– Le perfectionnisme

On peut également pointer comme facteur de TOC chez le profil HP une forme de perfectionnisme qui lui serait propre. Près de 20% des enfants et adultes surdoués sont atteints de « perfectionnisme dysfonctionnel » (source : ), c’est-à-dire d’un perfectionnisme vu comme handicapant, et qui peut être analysé comme un symptôme de TOC par les médecins. 

Par ailleurs, si le profil HP ne donne a priori pas lieu à des troubles psychologiques plus nombreux, on lui attribue généralement une certaine vulnérabilité psychique, laquelle pourrait mener, en l’absence d’encadrement ou de maîtrise, au développement de pathologies – dont les troubles obsessionnels compulsifs. 

Schéma Propriété de l’association CAPU

Il est à noter que les TOC concerneraient davantage les profils Twice-Exceptional, mais pourraient également être la cause d’erreurs de diagnostic. En effet, les manifestations du TOC présentent certains points communs avec ces profils ; c’est notamment le cas des rythmes de comportement répétitifs que l’on retrouve dans le syndrome d’Asperger. 

Quelques points communs entre le haut potentiel et le TOC (source : « What To Do When OCD Occurs In The Twice-Exceptional Child », Michelle Witkin):

– une grande intensité émotionnelle, qui chez le haut potentiel s’exprime souvent dans les relations interpersonnelles, tandis qu’elles sont davantage liées à l’angoisse et l’incertitude dans le cas des TOC.

– une hypersensibilité qui s’oriente, pour le HP, vers les émotions et les sensations, mais qui rend la personne souffrant de TOC très vulnérable et réceptive aux peurs et aux conséquences de sa maladie.

– un manque de confiance en soi, causé par un sens critique exacerbé envers lui-même pour le profil HP, et par les compulsions dans le cas du TOC, auxquelles s’ajoutent le sentiment d’être différents des autres. 

– les deux profils peuvent rencontrer des difficultés dans leurs interactions sociales : pour le HP (et notamment dans le cas d’un profil Twice Exceptional), elles peuvent être dues à un manque d’identification à autrui du fait d’un écart émotionnel ou dans les centres d’intérêt, tandis que chez la personne souffrant de TOC, ces difficultés relèvent entre autres d’un sentiment de honte et de peur envers la maladie et du manque de confiance en sa propre valeur qui peut en résulter.

– de même, les deux profils peuvent, notamment au cours de l’enfance, éprouver des difficultés d’ordre académique : chez le HP, une certaine propension à l’inattention peut se développer en réponse au manque de motivation ou de stimulation intellectuelle. Dans le cas des TOC, les obsessions peuvent empêcher la concentration tandis que les compulsions peuvent, surtout en cas de rituels longs ou fatigants, gêner leur progression. Cd constat peut toutefois être nuancé, dans la mesure où chez les deux profils, l’inattention est contrebalancée par une grande capacité de concentration (HP) ou un grand soin apporté aux détails et un état d’esprit scrupuleux (TOC).

Le TOC et le haut potentiel seraient donc, suivant ces hypothèses, liés par deux aspects :

– une confusion de l’un pour l’autre : certaines de leurs manifestations sont similaires, pouvant entraîner des erreurs de diagnostic.

– un ajout : le haut-potentiel ou plutôt le haut potentiel mal-maîtrisé pourrait favoriser l’apparition de TOC chez l’individu. 

Pour autant, même s’ils peuvent présenter des points communs, le haut potentiel et le trouble obsessionnel compulsif se distinguent par plusieurs éléments, dont : 

– la source d’anxiété : le profil HP aura tendance a être davantage anxieux du fait d’une sur-stimulation par son environnement, tandis que la personne souffrant de TOC sera anxieuse par rapport à ses obsessions-compulsions.

– la rationalisation du trouble : tandis qu’une personne ayant un TOC reconnaît le caractère excessif des rituels qu’il met en place (et souffre de cette prise de conscience), le profil HP peut rationaliser ses rituels dans des schémas complexes afin de communiquer effectivement son point de vue.

– le niveau de handicap : c’est la différence la plus importante entre les deux. Le TOC peut en effet mettre le patient dans une situation d’incapacité et d’impuissance, alors que le profil HP sera capable de faire face à son anxiété avec plus de clairvoyance, voire d’y apporter des solutions. 

Pour conclure, il importe de rappeler qu’en dépit d’une image parfois banalisée, qui tend à prendre ces troubles à la légère ou à les associer à une série de stéréotypes, les troubles obsessionnels-compulsifs sont une pathologie invalidante, source d’une grande souffrance pour ceux qu’elle touche. Elle peut notamment être particulièrement difficile dans le cas où elle concernerait une personne au haut-potentiel, dans la mesure où elle prendrait appui sur ses failles et faiblesses psychologiques qui favoriseraient la mise en place de cycles vicieux. 

Même si l’on manque encore d’explications quant à leurs causes et qu’ils peuvent donner lieu à une erreur de diagnostic, les troubles obsessionnels compulsifs, qui concernent environ 2 à 3% de la population de manière chronique, peuvent être soignés à l’aide d’une prise en charge adaptée. 

Nous souhaitons un grand courage à toutes les personnes touchées par ces troubles ! 

Sources :

Sur les TOC :
Inserm, dossier « Troubles obsessionnels compulsifs » : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/troubles-obsessionnels-compulsifs-toc
TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs), Définitions, article « Trouble obsessionnel compulsif » : https://www.troubles-obsessionnels-compulsifs.com/definitions/trouble-obsessionnel-compulsif/
Cognitive Behavior Therapy Center (Silicon Valley – Sacramento Valley), article « Obsessive Compulsive Disorder (OCD). Therapy and Counseling – Los Gatos/San Jose” : https://cognitivebehaviortherapycenter.com/ocd-obsessive-compulsive/
TED-Ed (YouTube), Natascha M. Santos, “Debunking the myths of OCD” (traduction par Audrey Freudenreich, relue par Elisabeth Buffard): https://www.youtube.com/watch?v=DhlRgwdDc-E

Sur le lien entre HP et TOC :
ANPEIP (Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces), article « Précocité intellectuelle : des effets négatifs ? » : http://www.anpeip.org/quest-ce-que-la-precocite-intellectuelle/si-precocite-pourquoi-savoir/eviter-ecueils
Adulte Surdoué, article de Zyghna « Erreurs de diagnostics diagnostics doubles et douance » réalisé à partir de l’ouvrage Misdiagnosis and Dual Diagnoses of Gifted Children and Adults. ADHD, Bipolar, OCD, Asperger’s, Depression and other Disorders (Great Potential Press, 2005), de James T. Webb, Edward R. Amend, Nadia E. Webb, Jean Goerss, Paul Beljan, F. Richard Olenchak : https://adulte-surdoue.fr/viewtopic.php?t=5507
IOCDF (International OCD Foundation, dossier “Disorders Related to OCD”), onglet “Disorders Confused with OCD”, article “Autism Spectrum Disorders” https://iocdf.org/about-ocd/related-disorders/ et “Differentiating Between Asperger’s and Obsessive-Compulsive Disorder”, par Fugen Neziroglu, Ph.D. and Jill Henriksen, MS, https://iocdf.org/expert-opinions/expert-opinion-aspergers-and-ocd/
Potential Plus UK, Fact sheet, “Obsessive-Compulsive Disorder and High Learning Potential”: https://www.potentialplusuk.org/wp-content/uploads/2017/03/20150121-F07-Obsessive-Compulsive-Disorder-and-HLP-Children.pdf
Michelle Witkin (Ph.D.), Jenny C. Yips (Psy.D.), Sarah A. Haider, (Psy.D.), Lauren Stutman (Psy.D.), Rebecca Fountain (M.A.), au Renewed Freedom Center for Rapid Anxiety Relief : « What To Do When OCD Occurs In The Twice-Exceptional Child” : https://adaa.org/sites/default/files/Yip_137.pdf

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