Dépression et douance

La dépression reste actuellement la plus grande cause de suicide, touchant 70% des victimes passant à l’acte. C’est donc un enjeu à prendre très au sérieux, et dont il faut parler. 

La dépression ne doit être ni une honte, ni un tabou, tout d’abord, parce qu’il faut bien se rappeler qu’elle a été reconnue par l’OMS comme la maladie mentale la plus fréquemment développée, avec 150 millions de malades diagnostiqués à travers le monde : en France par exemple, une personne sur 5 souffrira de troubles dépressifs au cours de sa vie, ce qui revient à 14% de la population, et 8% des jeunes de 15 à 24 ans sont diagnostiqués dépressifs, dont 3% atteints de cas de dépressions sévères. Donc si tu penses peut-être présenter certains symptômes, commence toi par te dire que, si ta tristesse dans son intensité n’est pas normale, tu n’es pas seul.

Dans cet article donc, nous parlerons de la maladie, comment elle se manifeste, comment la différencier d’un simple coup de blues, parce qu’il faut aussi se dire que la vie est, pour tout le monde, faite de hauts comme de bas, et quelles pré-dispositions au développement de ce trouble la douance peut apporter malgré elle. 

La dépression est donc une maladie mentale qui se matérialise par une tristesse pathologique qui s’inscrit dans la durée de manière cyclique ou continue, et impacte fortement les performances psychiques comme physiques de l’individu. Elle se différencie des simples coups de déprime ou des autres troubles de l’humeur, fréquemment rencontrés au cours de l’adolescence par exemple.

Le DSM 5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie) isole neuf critères de repérage d’épisodes dépressifs

-Une tristesse permanente 

-Une anhédonie (réduction de la sensation de plaisir) : l’individu dépressif ne va plus trouver de sensation de joie, même dans les choses qui lui tenaient à coeur auparavant. Pertes d’intérêts multiples et variées.

-Variations de poids : d’au moins 5%, sans avoir débuté de régime particulier.

-Insomnies ou hypersomnies (dormir trop peu ou au contraire dormir trop) 

-Ralentissement psychomoteur

-Fatigue

-Sentiment de dévalorisation 

-Diminution de la capacité de concentration 

-Idées suicidaires. Attention : 5 à 20% des patients traités pour dépression se suicident. Cependant, tous les individus dépressifs, même présentant des idées suicidaires, ne passeront pas forcément à l’acte. 

La spécificité de la dépression est bien que la tristesse perdure, même en cas de résolution du problème qui a déclenché les symptômes en premier lieu ou le passage du temps. C’est une tristesse, comme nous l’avons dit, pathologique, qui dans la durée et sa permanence, n’est plus influencée par une situation extérieure. Car là aussi, être triste face à certains évènements est une réaction émotionnelle tout à fait normale et légitime, qu’il ne faut pas immédiatement mettre en lien avec une potentielle dépression !

Aux neuf critères énumérés par le DSM 5, on peut également ajouter, de manière plus fluctuante, une isolation par rapport à son entourage ou au contraire un surjeu relationnel visant à faire croire que tout se passe bien, une forte irritabilité avec une tristesse qui se cachera derrière le masque de la colère, une incapacité à passer à l’action, comme la « flemme » de se lever le matin, d’effectuer des actions basiques comme prendre une douche, s’habiller, et une baisse de performance au travail ou à l’école, ou au contraire peut-être même des phases d’hyperactivité fébrile mises en place par le malade pour fuir, cacher, oublier son mal-être. Ce ne sont que des exemples à titre indicatif, encore une fois, tout dépend de la personne chez qui se développeront les troubles dépressifs, mais, si un constat peut déjà être établi, c’est que la dépression est une maladie dangereuse, car pleine de paradoxes dans ces modes d’expression et donc très difficile à déchiffrer. 

Comment savoir si l’on est atteint de dépression ? Un triptyque de trois questions, les questions dites d’Arroll, ont été mises en place pour dépister la dépression. Si tu soupçonnes la naissance d’une dépression chez toi, essaye donc de répondre dans ta tête à ces trois questions : 

1.Au cours du dernier mois, vous êtes vous souvent senti triste, déprimé ou désespéré ? (réponses possibles « oui » ou « non »)

2.Au cours du dernier mois, avez-vous souvent été gêné par un manque d’intérêt ou de plaisir à faire les choses ? (réponses possibles « oui » ou « non »)

3.Est-ce que vous voudriez de l’aide sur quelque chose ? (réponses possibles « oui », « oui, mais pas aujourd’hui » ou « non »)

Si tu réponds non à ces trois questions, l’étude « Identifying depression among adolescents using three key questions: A validation study in primary care » (Wenche Haugen, 2016) a démontré qu’il y avait 97% de chances que tu ne sois pas atteint de dépression. 

Si tu réponds par oui à deux ou trois des questions, nous te conseillons vivement soit à rendez rendez-vous chez un praticien adapté, soit, si tu n’oses pas ou ne sais pas comment t’y prendre, à nous contacter via le formulaire de contact disponible sur notre site ou par mail ! (capu.association@gmail.com).

L’étude à ce sujet précise bien également que trois « oui » ne correspondent à une dépression que dans 31% des cas, car, comme nous l’avons déjà dit, les troubles de l’humeur sont fréquents à l’adolescence ! C’est là tout l’enjeu, et le rôle du médecin/ du psychologue, de parvenir à discerner la fine frontière entre déprime et dépression. 

Caractéristiques de la dépression d’après le DSM 5 – Dessin propriété de l’association CAPU

Comprendre la dépression : quel est son mécanisme ? 

La dépression peut intervenir sous différentes formes. 

-sous la forme d’épisodes. Ne minimise donc pas tes symptômes si jamais tu expérimentes des effets de montagnes russes, avec des alternances entre périodes d’euphorie et de grand mal-être ! Cela s’appelle les épisodes dépressifs caractérisés, ou épisodes dépressifs majeurs. Ils durent en moyenne au moins quinze jours consécutifs. 

-sous forme de symptômes inscrits dans une importante période de temps : dans ce cas-là, on parle de dysthimie/dépression chronique mineure, ou de dépression chronique (forme plus grave). Elle peut, sous ces formes, durer des années, voire des décennies ! Elle se déclarera plus fréquemment au début de l’âge adulte, est deux fois plus répandue chez les individus de sexe féminin, mais peut aussi naître au début de la cinquantaine (on la caractérisera dans ce cas là de « tardive »).  

Une parenthèse : Les troubles bipolaires, qui font s’alterner phases de grande excitation et phases de dépression sont à traiter à part ! (c’est ce qu’on appelait avant la maniaco-dépression).

Pourquoi la dépression, et quel lien avec le Haut Potentiel ? 

La dépression a autant de causes que de formes que de raisons que de sentiments qu’elle inspire. Elle peut être favorisée par certaines pré-dispositions génétiques et héréditaires. Si tu soupçonnes un état dépressif chez toi, n’hésite donc pas à en parler à tes parents, tes proches, pour savoir s’ils ont eux-mêmes connus/ou connaissent encore ce genre de sentiments, de sensations, d’états !

La dépression, quoiqu’on puisse en dire, n’est pas vraiment une tristesse pathologique sans raison précise; elle fonctionne en entonnoir, partant de certains évènements extérieurs, dont l’influence s’estompera au fur et à mesure, tout en gelant les émotions négatives dans le présent ! Elle se transforme donc plutôt en un sentiment de chaos diffus dont les raisons rationnelles s’estompent (cf schéma inspiré du cycle de l’eau), une bombe à retardement qui peut être déclenchée par soit un psychotraumatisme (violences, deuil, accident, harcèlement, mais aussi rupture amoureuse par exemple), soit par des troubles anxieux déjà présents, des addictions, ou la répétition de cycles de situations à haut niveau de stress !

La dépression est d’abord une réaction à un choc ou à un épuisement du psychisme, qui va s’exprimer de façon mentale, avec une difficulté accrue à gérer les émotions, mais aussi physique (fatigue, pertes d’appétit ou au contraire prise de poids…). On peut ainsi qualifier ce genre d’état par le terme de « dépression réactionnelle .

Évaporation des raisons premières de l’état dépressif avec le temps, mais maintien de l’état associé, illustration. Propriété de l’association CAPU

Les individus à Haut Potentiel possèdent plus de pré-dispositions au développement de symptômes dépressifs, pourquoi ? 

Les Hauts Potentiels sont particulièrement sujets à la dépression dite existentielle, c’est-à-dire liée aux thématiques de la mort, la liberté, l’isolement, et l’insignifiance. Quel sens à la vie si tout est condamné à disparaître avec nous ? Même entourés, ne sommes-nous pas seuls ? Comment être libre si on ne parvient pas à se donner un cadre intérieur structurant ? Ces questions ont très certainement parcouru les esprits de chaque humain sur la terre, mais, chez l’individu à haut potentiel dans le cadre d’une dépression existentielle, elles deviennent une obsession. 

Plus globalement, on peut isoler plusieurs raisons, sans pour autant leur donner une crédibilité scientifique absolue, qui peuvent rendre les hauts potentiels plus sujets à développer des symptômes dépressifs. 

L’idéalisme des Hauts Potentiels : très idéalistes, ils sont très rapidement déçus par leur entourage, leurs relations amicales ou amoureuses, qui peuvent rapidement les conduire à une désillusion généralisée par rapport à la nature humaine, leur environnement, leur vie.  

Leur rapidité à repérer les incohérences dans leur entourage : les profils HP sont de nature très exigeante, ce qui est là encore lié à leur idéalisme. Dans leur environnement, ils vont donc très vite repérer, mais encore plus se focaliser sur ce qui ne va pas, ce qui n’est pas cohérent, sur ce qui n’est pas juste, se construisant une vision extrêmement pessimiste du monde et à terme d’eux-mêmes. 

L’hypersensibilité : les chocs émotionnels et autres potentiels déclencheurs de dépression sont vécus de manière décuplée par l’individu à Haut Potentiel, qui a donc plus de risque de développer des dépressions dites réactionnelles, qui sont donc des réactions à l’échelle de l’intensité du ressenti vécu. 

Une gestion des émotions parfois lacunaire : Parfois déstabilisé par l’intensité de ses émotions, le Haut Potentiel va avoir tendance à se laisser submerger par elles, ce qui peut conduire à une baisse d’estime de soi, pouvant à terme favoriser le développement de troubles dépressifs. 

Le danger de la dépression chez le Haut Potentiel. 

On peut distinguer deux types de risques particuliers dans le cas où la dépression s’installe chez un profil HP :

La résilience du profil HP : Les individus à Haut Potentiel, de part leur constant devoir d’adaptation, font preuve d’une résilience hors norme. Dans le cas d’un HP dépressif, cette capacité à ne jamais se laisser abattre et à toujours se remettre sur pieds, peut mener à un épuisement lancinant du psychisme dû à un mal-être invalidé ou non soigné, qui, sur le long terme est une véritable grenade dégoupillée et peut mettre la vie de la personne en danger si cette dernière craque sous le poids de l’ensemble des blessures non pansées. 

Le piège des dépressions atypiques. À profil atypique, dépression atypique. Le HP, de part sa différence intrinsèque, se sent déjà en décalage par rapport aux autres. Un HP dépressif doublera cette impression de décalage, qui se dotera donc de deux filtres, d’une part celui dû à ses différences neuro-physiologiques, et d’autre part celui qui découle de sa maladie mentale, donc ici, la dépression. L’individu doué aura donc tendance à vouloir continuer à donner le change, à opérer ses mécanismes de caméléon social, et se tournera, de manière ou non consciente, vers des dépressions dites atypiques, comme par exemple la dépression dite souriante. Cette dernière est invisible pour l’entourage, puisque malgré le mal-être intérieur, l’individu contrebalancera par des comportements extravertis, ainsi que beaucoup d’humour et d’entrain, ce qui peut s’avérer extrêmement déstabilisant, et, là aussi à long terme, risqué. 

Dessin propriété de l’association CAPU

La dépression, une maladie qui se soigne 

Dans le cas de la manifestation d’une dépression, on peut bien sûr développer soi-même de petits réflexes pour atténuer les symptômes : cela peut par exemple être une activité créative pour laisser les émotions prendre corps, ou encore la méditation, pour calmer les possibles angoisses, adapter et réguler son rythme de vie, ses plages de sommeil, ou encore son alimentation. 

Cependant, cela ne fait pas tout. Même si chaque personne humaine regorge de forces intérieures incroyables, certains chemins ne se parcourent pas seuls. Pour guérir de la dépression, il faut donc préconiser un suivi thérapeutique, qui peut aller jusqu’à, si besoin, la prise de médicaments (anti-dépresseurs et autre). 

Il faut également bien garder en tête, que, comme pour la majorité des maladies, on guérit de la dépression. 70% des patients dépressifs traités seront guéris grâce à un suivi régulier. 

Pour conclure et résumer. La dépression selon l’OMS :

« La dépression est un trouble mental courant se caractérisant par une tristesse, une perte d’intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de dévalorisation de soi, un sommeil ou un appétit perturbé, une certaine fatigue et des problèmes de concentration.

La dépression peut perdurer ou devenir récurrente, entravant ainsi de façon substantielle l’aptitude d’un individu à fonctionner au travail ou à l’école ou à faire face à sa vie quotidienne. À son paroxysme, elle peut conduire au suicide. Lorsqu’elle est légère, on peut traiter les patients sans médicaments, mais une dépression modérée ou sévère peut nécessiter médication et une psychothérapie menée par un professionnel compétent.

La dépression est un trouble qui peut être diagnostiqué de façon fiable et traité par des non-spécialistes dans le cadre des soins de santé primaires. Des soins spécialisés peuvent être nécessaires pour une minorité de cas de dépression complexe qui ne répondent pas aux traitements de première ligne. »

Sources :

Crise | dépression existentielle : le mal qui ronge le surdoué, disponible sur enfant-doué.fr : https://enfant-surdoue.fr/douance_troublee/crise_existentielle_et_surdoue/

HAS (Haute autorité de santé) : Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours, Argumentaire scientifique, octobre 2017. Disponible en ligne sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-10/depression_adulte_argumentaire_diagnostic.pdf

LEWANDOWSKI Claire, Dépression des adolescents : 3 questions simples pour orienter rapidement le diagnostic, publié le 9 mars 2016, disponible sur vidal.fr : https://www.vidal.fr/actualites/19277/depression_des_adolescents_3_questions_simples_pour_orienter_rapidement_le_diagnostic/

Site mondial de l’organisation mondiale de la Santé : https://www.who.int/topics/depression/fr/

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