Quand as-tu découvert que tu étais neuroatypique, et qu’est-ce que cela t’a fait ?
Depuis que je suis dans une école. Je me souviens, à la cour de récréation, à penser mes interactions avec les autres pour paraître normale. Parler avec les autres m’apparaissait si peu naturel. Je me suis sentie très seule et incomprise. Inévitablement, je me suis renfermée sur moi, n’exprimant pas mes émotions, mes doutes, mes peines. J’ai grandi avec cette carapace, entre moi et les autres mais également entre moi et moi-même. C’est très déstabilisant de se construire par rapport aux autres, en les regardant faire, à l’extérieur et non avec eux. Comme si un mur invisible nous séparait.
Qu’est ce qui t’a mis la puce à l’oreille et comment tes parents/tes proches ont-ils été impliqués dans ton parcours de découverte de ta différence ?
Mon rapport aux autres dès la primaire. Chaque geste était pensé, je me mettais une pression de dingue, et je savais pertinemment que je n’étais pas heureuse. Je n’y arrivais pas. Je n’ai jamais vraiment verbalisé cette différence, sauf à quelques amis qui l’’ont compris bien avant que je leur en parle.
As-tu été diagnostiqué par des tests officiels ?
Non
Présentes-tu des troubles dits “associés” au haut potentiel (troubles dys, TDAH, troubles légers du spectre autistique…) ? As tu été diagnostiqué pour ces troubles ?
Non
Comment te décrirais-tu en 3 mots ?
Curieuse Hypersensible Lunatique
Quels sont tes points forts ? Et tes points faibles ?
Spontanément, j’ai voulu faire deux catégories : points forts et faibles. Cependant, elles sont vite devenues factice puisque chacun des mes traits peut se nuancer, être dans les catégories ect. Un point peut être fort jusqu’à ce qu’il soit tellement présent, tellement extrême, qu’il devient un point faible. Je suis empathique. J’aime écouter les gens, je suis très intéressée par ce qui m’entoure, et donc eux. Je comprends leurs émotions. Elles m’imprègnent, ce qui peut être très difficile à gérer parfois. Je suis souriante, j’aime l’idée d’être un rayon de soleil pour les autres. Mais je peux être également très fatiguée, déprimée, sans but, un tas inerte. J’ai des rêves, je suis très imaginative, suis partante pour tout à partir du fait que cela me parle un minimum ou que la personne en face de moi me parle d’un projet avec un minimum de conviction. Cependant, à côté de ça, je me sens coincée, par les autres, par moi-même. J’ai peur. Agir dans l’inconnu peut constituer une charge mentale tellement importante, tellement de pression qui ne semble pas être imagine par les autres. Je n’ai pas besoin de beaucoup travailler, tant que je comprends le cours, mais à cause de ça, j’ai mis beaucoup de temps à comprendre l’intérêt d’apprendre des cours qui ne me semblaient pas pertinents/ assez approfondis à l’école. J’ai un problème de légitimité, j’ai l’impression de constamment devoir justifier ma présence, d’être inutile et inintéressante. En effet, j’ai du mal avec les conversations « bateaux », « inutiles », « conventionnelles », mais comme je ne suis pas superméga cultivée non plus, discuter avec moi n’est pas super distrayant.
Qu’est-ce que le neuroatypisme a pu t’apporter comme avantages au quotidien ?
De la curiosité. Des facilités à comprendre les cours qui m’intéressent, me permettant de ne pas travailler jusqu’au lycée. Une certaine maturité. Beaucoup de créativité, de passion qui me porte dans tout ce que j’entreprends.
Quels sont au contraire les décalages que tu as pu expérimenter ?
Il y en a tellement… La manière de penser ma vie comme des choses banales. Mon attrait pour des choses « atypiques » comme mon incapacité (malgré mon envie) à faire les mêmes choses que mes pairs. Le fait d’être très introvertie et d’avoir du mal à exprimer les choses de la bonne manière. J’ai également beaucoup de mal à comprendre mes sentiments, ce que je ressens, je fais tout au feeling mais me bloque toujours aussi, ce qui est particulier voir blessant pour les autres.
As-tu éprouvé, en lien avec ta différence, un mal-être, ou subis des maladies comme la dépression ou les troubles du comportement alimentaire (TCA) par exemple ? Si oui, lesquelles, et quel est/quel a été ton parcours pour aller mieux, voir guérir ?
Depuis le CP, j’ai du mal à me considérer heureuse. Cela tend à changer, mais avant, je n’arrivais pas à vivre le moment présent et m’enfermais dans ma bulle, dans mon mal-être. J’ai eu beaucoup de mal à m’ouvrir. Ça, c’est sur le temps long. Pour aller mieux, je me fore à vivre, à sortir, ne pas vivre par procuration, vaincre ma peur et réaliser toutes mes envies. J’essaye de sortir de ma coquille, voir au-delà de ma propre personne et plus me concentrer sur les autres. Sinon, j’ai des phases plus ou moins longues où je suis d’une apathie qui me fait peur, sans envie quelconque, subissant à grande peine le temps qui passe. Pour les éviter, j’essaye d’avoir toujours quelque chose à faire et d’y faire face (et de ne pas répondre 6 mois après comme j’en ai l’habitude). Phobie scolaire/déprime il y a deux ans + manifestations physiques d’un malaise non exprimé (crises de panique, tremblements, bouffées de chaleur)
Y a-t-il un événement lié à ta différence que tu souhaites plus particulièrement évoquer ?
En primaire, j’étais souvent seule dans la récréation. Pour m’intégrer, j’essayais d’agir « normalement », mais cela se retournait souvent contre moi : mensonges pas crédibles pour être intéressante, remballée par des amies qui m’excluaient du jeu, moqueries. Cela n’est qu’une infime partie de ma scolarité. J’ai quand même passé de très bons moments en primaire notamment, mais ne me sentant pas comprise, j’ai toujours eu du mal à véritablement me laisser aller.
Comment tes proches ont ils pris cette différence ? As tu osé en parler à tes amis ? Si oui, quelles ont été leurs réactions ?
Ce n’est pas un sujet que j’aborde aisément. J’ai déjà parlé de différences, mais que sur certains points, pas d’une différence constamment ressentie.
Quelles sont les personnes, réelles ou fictives auxquelles tu t’identifies, et qui t’ont aidé à apprivoiser tes spécificités ?
Je ne pense pas qu’une personnalité m’ai aidé à apprivoiser mes spécificités. Cependant, je peux m’identifier à postériori : Au trio dans Harry Potter (Ron, le vilain petit canard ; Hermione, pour son éveil ; Harry par sa singularité inscrite en lui) Grigory Sokolov qui malgré sa singularité est un incroyable pianiste. Martin matin pour ses nombreuses facettes
Comment vis-tu aujourd’hui ta différence ? Quelle est TA vision du neuroatypisme ?
Aujourd’hui, je n’y pense plus forcément. C’est quelque chose que j’ai intégré, qui fait entièrement partie de moi. J’essaye de m’affirmer, concrétiser la personne que j’aimerai être en tirant profit de ces différences. Pour moi, le neuroatypisme, c’est comme l’huile et l’eau. Ça ne coïncide pas, cela ne coïncidera jamais. Cependant, il y a des moyens pour apprendre à cohabiter, vivre de manière épanouie, développer son potentiel dans un monde qui, à première vue, ne nous semble pas adapté.
Quel serait le conseil, en prenant en compte ton expérience personnelle, que tu donnerais aux jeunes neuroatypiques de ton âge, ou plus jeunes ?
Fie toi à ton instinct. Va au bout des choses, suis tes passions. Ne t’éparpille pas, sinon tu risques de te perdre. La vie est faite de choix. Pour ce qui touche au scolaire, prend le temp de refaire ton cours à ta manière. Rends-le distrayant, ludique. Fais-en un jeu. Ne te bloque pas, le système ne t’es sans doute pas adapté. N’aie pas peur de te tromper, fonce et profite. Par contre, ne te force pas, si tu es mal à l’aise, ce n’est pas de ta faute.
Quelque chose de plus à ajouter ?
Le système éducatif pourrait être tellement plus adapté, c’est si dommage de se rendre compte après n’avoir rien retenu de thèmes très intéressants et importants à cause d’une manière d’apprendre superficielle qui ne nous correspondait pas.