Quand il s’agit de définir le haut potentiel intellectuel, les définitions abondent. Les qualificatifs, de « surdoué » à « zèbre », se multiplient. Certains diront que l’on reconnaît un surdoué à celui qui n’adhère à aucun récit national, tandis que d’autres affirmeront qu’il s’agit simplement d’un quotient intellectuel supérieur à la norme (valeur de 130 quand la norme est fixée à 100). Les individus à haut potentiel intellectuel représenteraient 2% de la population, et auraient une mémoire de travail supérieure leur permettant un fonctionnement cérébral optimal. De ce fait, il en résulterait un décalage avec l’entourage.
Face à cette pléthore de qualificatifs, comment y voir plus clair dans la définition du haut potentiel intellectuel ? Est-il même possible de donner une définition claire de ce qu’est un « zèbre », pour reprendre la terminologie de la psychologue Jeanne Siaud-Fachin ?
Au gré de mes recherches, je me suis rendu compte que même à l’étranger la question du haut potentiel intellectuel était sujet à débats. Pour ce faire, j’ai trouvé qu’un article rédigé par l’association pour les enfants précoces de Colombie Britannique (Gifted Children’s Association of BC), résumait très bien les enjeux de controverses.
I. Un fonctionnement cérébral différent…
En 2016, le manuel de politiques éducatives spécialisées de Colombie-Britannique affirmait qu’un élève est considéré comme surdoué s’il présente des aptitudes potentielles ou révélées exceptionnelles dans le domaine de l’intellect, de la créativité ou encore des compétences associées à des disciplines spécifiques. Si cette définition fait état des potentialités remarquables de l’individu surdoué, elle ne suscite pas un consensus unanime auprès des chercheurs.
Dans l’article de la GCABC, on voit que le qualificatif de « surdoué » peut être donné à des individus dans trois configurations différentes :
a) Un accomplissement personnel remarquable ;
b) Un QI haut dessus de la moyenne (à savoir supérieur à 130) ;
c) La manière singulière et unique dont un individu appréhende le monde ;
d) Un talent spécifique dans un domaine particulier (arts, sport…).
A première vue, on pourrait remettre en cause les catégories a) et d) en estimant que des individus travaillant de manière acharnée depuis leur plus jeune âge peuvent atteindre ce niveau d’excellence. Dans ce cas, rien ne les distinguerait des autres enfants de leur âge d’un point de vue purement spécifique. De fait, l’idée selon laquelle les surdoués réagiraient de manière différente par rapport à leur environnement semble la plus pertinente pour notre analyse.
A en croire le GRO, les différences entre surdoués et non surdoués se manifestent d’un point de vue neuronal, à l’origine de ce décalage de vision si spécifique.
Ainsi, la « douance » se manifeste par un développement asynchronique au cours duquel des capacités cognitives avancées combinées à une haute intensité s’agencent pour donner naissance à des expériences et une conscience du monde radicalement différentes de la norme. Cette asynchronie augmente plus le QI est élevé. Le caractère si spécifique de la douance rend les sujets concernés particulièrement vulnérables. Cela implique, pour leur plein épanouissement, des ajustements en famille ainsi que dans le domaine éducatif. Ainsi, les individus surdoués ont certes de grandes forces, mais ils doivent faire face à un certain nombre de défis et difficultés.
Selon les recherches du GRO, le cerveau des surdoués est différent de celui du reste de la population par six aspects différents :
– Un volume cérébral plus important ;
– Une meilleure connectivité entre les différentes régions du cerveau ;
– Une plus grande sensibilité sensorielle ;
– Des régions du cerveau dédiées à l’intelligence émotionnelle plus larges ;
– Des régions du cerveau réagissant de manière plus active aux challenges.
De plus, les individus avec un QI plus élevé que la norme (fixée à 100 selon la courbe de Gauss) ont plus de matière grise dans les différentes régions de leur cerveau. La matière grise fait partie du cerveau et est utilisée pour intégrer de nouvelles informations, et le cortex en est largement composé. Les aires associées aux informations émotives sont aussi plus élargies chez les individus surdoués. Finalement, l’expansion plus importante ainsi que la plus grande connectivité du cortex cingulaire antérieur peuvent être tenues pour responsables de l’intense curiosité intellectuelle des « zèbres ». Cela peut aussi être une clef explicative du fait que les individus avec un QI plus élevé font souvent l’expérience de réponses émotionnelles plus intenses, telles la dépression et l’anxiété.
II. …Qui induit une vision du monde absolument unique
Avec leurs spécificités cérébrales, les sujets à haut potentiel intellectuel présentent bien souvent une vision du monde que l’on pourrait qualifier de « décalée », car peu commune par rapport à la norme. Leur intelligence, souvent intuitive, en est fréquemment la cause. On pourrait dire que les surdoués s’y prennent différemment par rapport aux individus ne l’étant pas, pour résoudre un problème.
Pour ce faire, il est capital que de tels enfants soient placés dans des environnements où ils puissent se confronter à des défis, et entourés selon leurs besoins propres. Si cet environnement ne peut être constitué, l’individu précoce peut s’exposer à des dommages psychologiques, et souffrir d’une sous-utilisation de son potentiel.
Pour conclure, il est fondamental de rappeler qu’il n’existe pas un profil typique du surdoué. Les caractéristiques précisées sont toutefois les plus remarquables pour permettre de qualifier un individu de haut potentiel intellectuel.
Sources :
-Site internet du Gifted Research and Outreach (GRO)
–Submission by the Gifted Children’s Association of BC, Advocacy Committee to The Select Standing Committee of Children and Youth Neuro-diverse Project rédigé par Maureen McDermid, B.Ed, M.Ed, Board of Directors, GCABC et Sherry H.G.Khani, MC, RCC, Chair Advocacy Committee
→ Références mobilisées par les deux auteurs :
BC Ministry of Education (2016). Special education services: A manual of policies, practices and guidelines. Victoria, BC: Author.
BC Teacher’s Federation (2017). Priorities for public education. Retrieved April 9, 2018 from https://www.bctf.ca/PrioritiesForPublicEd.aspx
Moon, S.M. (2009). Myth 15: High-ability students don’t face problems and challenges. Gifted Child Quarterly, 53(4), 274-276.
Neihart, M., Pfeiffer, S., & Cross, T. (2015). The social and emotional development of gifted children: What do we know? (2nd ed.). Waco, TX: Prufrock Press.
S. P. Marland. Education of the Gifted and Talented: Report to Congress.1972 report to the Congress of the United States
Tetreault, N., Haase, J., & Duncan, S. (2016). The Gifted Brain. Gifted Research and Outreach Inc. Retrieved from https://www.gro-gifted.org/portfolio-items/the-gifted-brain/